mardi 25 février 2014

La prochaine fois, je crie.

C'était la dernière fois, la vraie de vraie.
C'est la dernière fois que ça arrive sans que je ne bouge, sans que je n'ouvre la bouche, sans que ma main ne s'élève, sans que je ne crie à l'insanité.

Cette fois-ci, l'homme certainement âgé de plus de 65 ans participait à une assemblée tenue par des citoyens et citoyennes. J'y étais aussi et j'animais cette rencontre en compagnie d'une camarade.

Ils étaient quelques uns comme lui, venus là pour parler de ce qu'ils vivaient avec les établissements qui s'occupent de leurs enfants handicapés. De bons messieurs quoi. Des hommes sensibles. Enfin, une certaine sensibilité et pour certaines choses seulement semble-t-il. Pour au moins un de ceux-là en tous cas.

À la fin, tout le monde s'est levé. On s'est remercié, on s'est dit à la prochaine et là, c'est bien ça, c'est ça oui, le type a claqué une main sur mes fesses. J'ai pas rêvé. Non, non. C'était un geste un peu contenu, sa main a hésité comme s'il  prenait conscience de la portée de ce geste, de son incongruité mais il m'a bien mis une main aux fesses. Et moi, ben j'ai rien dit.

En pleine réunion. Devant plusieurs personnes. Tsk.

Aujourd'hui, quelques jours après cet évènement, le nombre de jurons qui me passent par la tête quand je repense à cet individu, c'est pas possible. Pas possible de retenir ça. C'était la fois de trop.

C'était rien pourtant. Presque rien, trois fois rien.  Un vieux cochon qui peut pas se retenir de mettre la main là où elle n'a pas d'affaire, comme on dit.

Mais c'est la dernière fois. Il est temps maintenant pour moi de dire : "c'est la dernière fois qu'on me touche comme ça. "

La prochaine fois, le prochain, je le mets en boîte. Devant tout le monde. Je lui saute dessus et je lui arrache les yeux. Le prochain entendra ce que les autres aurait dû entendre. Je sais me contenir, les années sont là pour le trouver, enfin là-dessus je sais me contenir, c'est bien ça le drame mais là, le prochain m'entendra.

Pour ce gars dans ce bar qui voulait constamment "m'embrasser." ( On embrasse quand on aime. Lui voulait juste tirer un coup. ) Ces grosses lèvres rouges et humides.  Son haleine puante. Juste un baiser disait -il. J'étais jeune, personne ne m'avait appris à me défendre. J'ai eu cette belle éducation qu'une fille ne doit pas se mettre en colère. De toute façon, c'était un géant. Je ne savais que détourner le regard. Mais il insistait, insistait, insistait.

Pour cet autre qui menaçait de me sauter dessus à la sortie. La seule fois où je me suis mise en colère. Cette fois-là, c'est moi qui suis passée pour la folle. Pour cet autre encore qui a juré de me violer.  Oui! De me violer !

Je me souviens aussi très bien, très précisément de ce cousin de ma mère toujours prêt à me donner un "lift" quand j'étais mal prise. Un jour, devant la maison de mes parents, en descendant de la voiture, je me souviens de tous les détails, il a posé sa main sur ma poitrine; j'ai compris alors son empressement à vouloir "m'aider".  Je pourrais presque sentir encore sa grosse patte sur mon sein. Cet autre cousin tellement admiré de tous et qui lui…lui... ah non, tiens, ça ne se raconte même pas tant j'ai honte. Honte de n'avoir pas réagi. C'était au décès de mon frère.

Il y a aussi eu cet animateur de la Ville de Laval, qui encore plus ostensiblement que mon type d'il y a quelques jours, m'avait claqué une fesse devant tout le monde, en plein colloque, lors de la pause, me laissant complètement bouche bée et gênée. Gênée pourquoi ? Il a perdu sa job, tiens. Consolation.

De celui-là me soufflant à l'oreille "beau pétard" alors que j'essayais maladroitement mais honnêtement d'apprendre mon métier et d'animer correctement une réunion. De cet autre, qui me regarde dans ce café et se léchant goulument les lèvres. Dégueulasse, vraiment.

Jamais eu d'aide de personne. Jamais aucune parole de personne. Les femmes doivent toujours se défendre seules et on se rend vite compte, si on réagit, de qui portera le blâme...

Écoeurée et en colère. De mon silence, de mon impuissance, de mon malaise. Comment, c'est moi qui vivrait l'inconfort? Figée, gelée sur place. Mesurant à la vitesse de l'éclair les conséquences d'un éclat de voix bien senti, d'une parole bien placée...

Mais là, vraiment ras-le-bol, ras-le-pompon, ras-le-cul des niaiseries des gars, des gestes déplacés,  de leurs cochonneries, sans gêne aucune. Des libidineux.

Je le ressens de plus en plus, oui, et dans ma chair beaucoup plus qu'avec ma tête : les femmes sont des être "publics" et tous ont des droits sur nous :  droit de commenter, de toucher, d'embrasser, de tâter, d'humer, de tripoter, de claquer, de frôler, d'embrasser, de baiser, de violer même.

Mais là, ça suffit.
La prochaine fois, je crie.
Et comme je l'ai beaucoup retenu ce cri, ça risque de faire pas mal de bruit.
Vous êtes avertis.





5 commentaires:

  1. Merci pour ce texte. Je n'ai pas vécu ce genre de truc mais je vous assure que si vous criez devant moi j'irais me tenir à vos côtés. Nous n'avons pas à nous défendre seule ni à passer pour folle.

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  2. Moi je ne crie e plus je mords!!! Et je dis à ma petite fille qui fait son arrivée dans les transports en commun pour se rendre au cégep: tu t'inquiètes d'un mec qui te suit, prend ton cell dans tes mains, fais semblant d'appeler 911 et hurle crie.. quelle éducation je fais, mais je lui répète: CRIE HURLE sans gêne.

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  3. Il y a deux éducations à revoir...celle de ces messieurs, et la votre...pourquoi rester victime muette dans ces situations ?!

    Quand à crier, il vaut mieux crier AU FEU que AU VIOL, il y a plus de chance d'attirer l'attention.

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  4. ben voilà. Je ne resterai plus muette, c'est bien ce que je dis dans ce texte. Oui, les filles et les femmes doivent réagir. Merce de votre commentaire.

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  5. Et si je suis là, je cris et le tabasse avec toi ;)

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