jeudi 4 avril 2013

La Terenga

J'ai passé plusieurs jours au village jusqu'à maintenant. Le quotidien devient de moins en moins intimidant et j'ai l'impression de pénétrer plus en profondeur dans ce monde si différent du nôtre.

Quand j'arrive, c'est souvent l'heure où les filles préparent le repas.

On fait la cuisine dans une case réservée à cela. La concession, c'est-a-dire la maison incluant la cour doit mesurer 50 x 75 pieds et est délimitée par une palissade de paille haute de 7 pieds environ. Le portail est fait d'un grand panneau de métal gondolé.

On est ici en pays sérère, troisième ethnie en nombre au Sénégal.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sérères

Trois cases carrées donc, compose la "maison", cases en torchis aux toits de feuilles de ronier, une sorte de palmier.
Une pour le père et le garçon.
Une pour Marie et ses 3 filles encore à la maison. Celle-ci sert aussi de salle à manger.
Finalement, une case pour la cuisine.

On entre dans la chambre des filles en écartant un rideau à motifs bleus. On aura bien entendu retirer ses sandales et on se penche un peumpour entrer. Devant nous, une vieille, très vieille commode basse faite de bois sur lequel le vernis n'attache plus depuis longtemps. Tout à côté, une sorte de petit baril sur lequel on me demande de déposer mon sac dès que j'arrive et un grand panier dans lequel se trouve des vêtements. À gauche, le lit sur lequel dort Marie et la petite Hélène. À droite, celui de Cécile et d'Yvette. Ceux-ci sont toujours bien faits et ils reposent sur des petites pierres pour éviter qu'elles ne soient en contact avec le sol fait de ciment, en prévision de l'hivernage que je me suis dit.... Au dessus des lits, des moustiquaires. Et une ampoule d'où sort deux fils qui mènent à une batterie m'a-t-on dit. Une natte bleue par terre. Trois bancs de bois. Un petit balai fait de pailles et un porte-poussière de bois. Trois ou quatre autres choses. Une radio à piles. Sur la commode, deux paniers. Dans un, les cuillers, les seuls couverts qui servent aux repas. Dans l'autre, des colliers, du fil... ainsi que la paire de ciseaux que j'ai offerts à la petite Hélène.

Voilà donc la salle à manger et la chambre des femmes. On mange par terre et on secoue la natte à l'extérieur quand c'est fini. Les poules et les poussins viennent picorer les restes de riz brisé.

Pour la cuisine, c'est plus simple encore : au centre, un feu de bois qui fume et crépite. Dans un coin plusieurs plats et récipients en métal, quelques chaudrons en fer, un gros mortier et son pilon de bois, des ustensiles de cuisine. Dans l'autre coin, un grand contenant dans lequel on garde de l'eau à portée de main;  je suppose aussi qu'on conserve quelques légumes racines dans des récipients fermés.

Dehors, il y a donc les poules, un coq, des poussins. La maman poule se dandine suivie de ses petits, un ruban accroché à une de ses pattes. Les poussins ainsi la suivent et ne s'éloignent pas trop : en effet les éperviers et les corneilles survolent constamment la concession... Des arbres plantés par René, citrons, pommes-cannelle, papayes et d'autres que je ne connais pas.  Un petit robinet connecté à un puits offrent l'eau fraîche. On va à la toilette (turc) et on prend sa douche chez Rose, dans la concession voisine. On installe souvent la natte bleue dehors pour s'y étendre, discuter, jouer.

C'est la maison où je prends le repas du midi, assise sur un petit banc autour du plat central avec Marie et les enfants, le plus souvent dans la case ou dehors, s'il fait trop chaud. René mange à part comme tous les hommes un peu plus âgés.

C'est la maison très humble où je suis invitée tous les jours, et plus ils passent ces jours, plus je prends la mesure de la grande pauvreté matérielle de ces gens.

Pas un seul jouet pour les enfants. Pas de mangeoires à oiseaux, de chien ou de chat, rien je vous dit, rien qui ne soit absolument essentiel à la vie de tous les jours sauf quelques verres plus colorés dans lesquels on nous a servi des boissons gazeuses le jour de Pâques.

Mais ce qui me surprends le plus, c'est la générosité avec laquelle ces gens et leurs voisins m'invitent dans leur si humble demeure, les femmes couvrant un banc d'un fichu pour que je m'y assois, la grand-mère qu'on me présente partout où j'entre, le bébé qu'on me met dans les bras, je me dis que nous, jamais, jamais nous n'oserions, dans un tel dénuement, recevoir des gens que nous saurions plus riches.

C'est cela la Terenga sénégalaise.






5 commentaires:

  1. Quelle générosité! Quelle chaleur humaine! Les québécois sont reconnus pour leur accueil et leur chaleur mais tout est relatif quand on mesure cette grandeur d'âme! Doit-on comparer des cultures et des modes de vie si différents? Du moins on doit se questionner sur nos besoins du matériel, toujours plus, comme si on courrait après le bonheur... Quel est le sens du bonheur pour eux et pour nous?

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  2. Ça correspond à ce qu'on entend souvent: ces bédouins, ces tibétains, qui nous accueillent humblement et partagent leur maigres ressources,ces peuples qui nous apparaissent si pauvres quand on compare les avoirs,mais qui sont si riches en être...Dans le fond la vraie richesse est dans la découverte de l'autre, dans le partage du thé au beurre, du thé à la menthe, de l'infusion d'herbes ou de racines.

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  3. C'est vraiment plaisant de te lire. C'est meilleur qu'un documentaire. Parce qu'on le voit de l'intérieur. Merci !

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  4. J'ai lu les quatre d'un coup(mon ordi était focké depuis un boutte).Dis-donc.pour une fille qui n'a pas l'art de la nouvelle,tu te débrouilles bien.T'as bien aiguisé ta plume de marabout.Tu nous fait bien tripper et rêver chère amie et ca reveille en moi bien des souvenirs,bien des images...En tout cas. t'as l'air bien engagée la-dedans et résolument ouverte à toutes les rencontres sensorielles et humaines.Vive le dépaysement,vive la nouveauté!
    By the way,c'est-y un projet de coopération ou queque chose d'autre?Si oui,de quecé?. On a hate de lire la suite!

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  5. Super! Tu me fais revivre des moments magiques!

    Carole

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