lundi 13 mai 2013

"Juste pour le plaisir des yeux"

On pourrait ne voir que la pauvreté.
Ou que les amoncellements de déchets, partout...

Les boîtes de conserves, les sacs de plastique, les sandales orphelines.
Le verre brisé, les buissons poussiéreux,
les chèvres fouillant les poubelles.
Les innombrables vieilles carcasses des voitures éventrées dans lesquelles plus rien ne subsiste que la carrosserie,
les roues d'automobiles empilées, les pièces d'auto rouillées.
La peinture des enseignes de La vache qui rit à demi écaillée.

Les petites cases isolées, au milieu de nulle part,
craindre que le moindre souffle de vent ne vienne jeter par terre ces abris de fortune.
Les terrains laissés à l'abandon, les bâtiments en continuelle réfection, les briqques de parpaing, partout.

L'homme derrière le grillage rouillé de sa boutique. L'affiche ORANGE qui envahit tout, partout.

La cohue du marché, les détritus, les babioles à deux sous, les bijoux de pacotille, les verres fumées par dizaine. 
Les talibés qui vous collent aux fesses et qui quêtent pour leurs marabouts,
les enfants enrhumés, leurs mains collées, leurs sacs d'école en lambeaux,
Les vendeurs de statuettes,  harcelants et insistants, vous prenant par l'épaule jusqu'à leur boutique en disant de manière suave : "juste pour le plaisir des yeux..."

Moi, j'ai surtout en tête le soleil lumineux et la fraîcheur de l'océan Atlantique,
Le fracas de ses vagues quand elle m'appelle pour jouer avec elle.

Les enfants qui vous saluent d'un comment t'appelles-tu?
Les petits garçons espiègles et malicieux.
La beauté des femmes, leur élégance dans leurs grands boubous,
leur démarche lente et sensuelle sous le soleil.
Les gris-gris de cuir aux  biceps des jeunes hommes,
leur peau d'ébène, leurs muscles longs et fins.

L'espoir des jeunes.

Le matin, les trajets en ville dans le taxi de Moussa, un mélimélo de musique, klaxons, motos, piétons, cars, voitures de luxe, charrettes...

La douceur du vent en soirée, l'odeur de fumée, celle du café touba,
Le thé bouillant et sucré qu'on sirote avec des amis, en faisant du bruit.
Les poissons frais, grillés sur le feu et mangés avec les doigts.
Les après-midis dans la case avec les filles Diop à rire d'un rien et à jouer aux cartes.

Les femmes de Aaw FIkii, fières et vaillantes,
leur sueur à l'odeur musquée perle quand elles grillent les arachides, leurs regards sont soucieux, leurs muscles forts et leur volonté imperturbable.

Les gens malades qui attendent chez le marabout, étendus à l'ombre sur les nattes.
Les vieux, leurs mains osseuses que vous prenez avec respect.

La tranquillité des villages. Les chiens jaunes dormants au soleil. Les trajets faits seule, dans la brousse, les pieds dans le sable, au milieu des baobabs et des roniers.

Les pêcheurs qui vous invitent à prendre le thé. Les hommes vous criant : " je t'aime déjà!". Les femmes qui vous disent " tu nous manqueras!"

Tout ça me manquera aussi.

www.youtube.com/watch?v=CYOD_UuoY-Q