Lors de ces ballades, j'observe la ville et les gens et je me laisse porter par la musique qu'a choisi le chauffeur.
Charrettes, voitures, motos. Parfois un vélo. Des vendeurs itinérants, des femmes portant paquets sur leur tête. Quelques jeunes en jeans, des Ray-ban aux couleurs criardes, mais toujours, des femmes en boubous et très souvent tous ont le cellulaire à la main. Plus loin, quand on sort un peu de la ville, des troupeaux de zébus ou de chèvres... Thiès est très vivante.
La route comporte deux voies, trois,ou quatre voies, mais on y circule à plusieurs en largeur, les motos louvoyant entre les voitures et les charettes. Ça vous gêne? Il y a l'espace, non? Personne n'est pressé malgré les klaxons continuels et les piétons qui traversent à pas lents...
À pas lents, oui, très lents, c'est bien ce qui frappe ici. Pas d'urgence, personne n'a cet air pressé. Il y a quelques jours, la guide du musée déambulait si lentement, presqu'indolente, mais racée, si élégante! Un pas à la seconde et encore! Essayez-le pour voir : juste un pas à la seconde....
L'auto de Papmoussa est en réparations ces jours - ci, alors il envoie un de ses amis, un jeune homme qui ne parle que trois mots de français. Fier de transporter une toubab ( une blanche, vous aurez compris) et de travailler un peu pour Mer et monde, il s'arrête quand il croise un policier - ils sont très nombreux ici - pour me rassurer sur son honnêteté. Quand il repère des copains, il prend le temps de dire bonjour et de saluer comme le font tous les sénégalais. Heureux de travailler, tout jeune, tout ce qu'on arrive à se dire lui et moi, c'est à peu près 3 mots dont ces deux-là : "c'est bon!"
-"Toi Lalane? C'est bon!"
-"Toi Canada? C'est bon!"
-"Moi travaille ! C'est bon!Il y a 3 jours, lors d'une course, il me demande : "café touba?" Le café touba, c'est une de ces boissons que l'on vend sur la rue dans des petits verres pour quelques francs CFA, dans ce cas-ci 50 francs, c'est-à-dire 10 sous. Je n'avais pas encore goûté.
Il insiste.
-"Café touba?"
Je ne reconnais pas trop le quartier, il a pris un chemin un peu différent. Je comprends à ses gestes
qu'on se trouve dans son quartier à lui, celui où plusieurs adeptes du grand marabout vivent, une des
confréries musulmanes ici. D'ailleurs, on retrouve l'expression touba partout :
Café touba, restaurant touba, épicerie touba, coiffure touba. Comme la ville du même nom, là où se trouve la plus grande mosquée du pays.
Pas trop rassurée donc, mais je prends sur moi, je sais que Papmoussa est un homme de confiance et Sheikh M'bour est son ami.
Alors, café touba?
Ok, je dis. C'est bon!
Il s'arrête devant un petit groupe : à l'abri du soleil, le long d'une devanture de boutique
abandonnée, quelques jeunes hommes et une femme. Elle a un petit réchaud posé devant elle et sur
celui-ci, une cafetière de métal.
- "Deux cafés touba". Enfin, c'est ce que je déduis...
La femme verse du sucre dans un premier verre et sur le sucre, du café chaud. Elle transvide le tout rapidement dans un autre verre pour le faire fondre et produire une petite mousse et le manège se poursuit ainsi à quelques reprises. Puis, elle refait la même chose avec un second verre pour moi.
Sheikh lui donne 100 CFA - 20 sous.
Je goûte.
C'est bouillant, j'ai du mal à tenir le verre de plastique.
Mais dieu que c'est bon!
C'est très sucré et épicé, je pense à du clou de girofle, un vrai dessert!
"Café touba, c'est très bon! je lui dis.
Sheik M'bour me répond: "C'est bon! Très bon, café touba!"
Je sirote avec bonheur cet excellent café très chaud. On continue vers la maison et la musique dans la voiture me remplit de plaisir. Je suis bien. Sheikh M'bour et moi, on répète comme deux idiots : "c'est très bon, le café touba."
Je paie la course et rentre à la maison un peu excitée puis je partage ce qui reste de café avec deux des camarades.
Le lendemain, au retour du village de Lalane et en gage d'amitié, c'est moi qui ai offert le café au jeune chauffeur de taxi, Sheikh M'bour.
www.youtube.com/watch?v=oOelxkM2lfs